Mois de l’histoire des Noirs: Wendell Scott

Février marque le Mois de l’histoire des Noirs. Pour l’occasion, Le Bulletin GP rend hommage aux pilotes qui ont mis leur empreinte dans l’univers de la course automobile. Aujourd’hui: Wendell Scott.

Le 4 octobre dernier, Bubba Wallace fut déclaré vainqueur du YellaWood 500, à Talladega, au terme d’une course mise fin en raison de la pluie. Cette victoire de Wallace fut non seulement sa première en Cup Series, mais aussi la première d’un pilote de race noire depuis Wendell Scott, en décembre 1963.

La carrière de Scott en NASCAR fut tumultueuse, malgré sa seule victoire à Jacksonville. Contrairement à Wallace (heureusement), Wendell Scott dut faire face aux nombreuses situations racistes dans le sud des États-Unis. Voici le parcours de cet homme, qui a marqué l’histoire du stock car à sa manière.

La vie pré-course automobile de Wendell Scott

Né à Danville, dans l’État de la Virginie, en 1921, Wendell Olive Scott aida son père comme mécanicien, durant sa jeunesse. Son premier emploi fut comme chauffeur de taxi, mais il avait, comme passe-temps, d’affronter des enfants blancs dans des courses de vélo.

Alors que la Seconde Guerre mondiale s’amena, Scott fut enrôlé à titre de soldat-mécanicien dans une armée américaine marquée par la ségrégation. À son retour de la guerre, il se passionna pour la course automobile, tout en participant à la vente sur le marché noir de whisky. À l’origine, les courses de stock cars étaient financées par l’argent du trafic d’alcool. Malheureusement pour lui, en 1949, il fut intercepté par la police et reçut une sentence de trois ans de prison probatoire. Surprenamment, Wendell continua cette activité suspecte!

Au-delà de son implication dans la vente illégale de whiskey, Scott possédait un garage, pouvant ainsi pratiquer son métier de mécanicien.

Son arrivée en course automobile

La première expérimentation de Wendell Scott en course automobile remonta au début des années 1950. Alors que les lois Jim Crow, un règle nationale de ségrégation raciale, empêchaient certains pilotes de race noire à participer à des compétitions de course automobile, Scott ne fut aucunement embêté de concourir contre des hommes blancs, devant une foule unanimement blanche.

En mai 1952, il s’inscrivit à une course au Danville Fairgrounds Speedway, sa piste de course locale en Virginie. Le Dixie Circuit, une série rgionale de stock car, voulait attirer le plus de spectateurs autour des circuits en ayant un pilote noir comme participant. Or, Wendell Scott était l’homme de la situation, surtout à cause de son passé de contrebande de whisky.

Les pilotes du Dixie Circuit pouvaient prendre part à cinq courses par semaine, ce que Scott fit. Malheureusement, la foule lui lançait des objets et des insultes racistes − naturellement. Cela ne le dérangeait aucunement, car il commença à obtenir des victoires dans la série. Sans aucun doute: son talent de pilote et de mécanicien l’aida clairement à s’imposer contre ses adversaires blancs. Il gagna le respect de certains amateurs de course, ainsi que ses rivaux.

Scott voyait grand: il tenta de participer à des épreuves de NASCAR, qui avait environ cinq ans d’existence. Il s’inscrivit à des courses de la série, auprès des promoteurs et des officiels, mais certains de ces derniers refusèrent catégoriquement, citant sa couleur de peau.

Par contre, une personne lui donna l’accord d’obtenir sa licence de course:  Mike Poston, un officiel travaillant à temps partiel. Poston avertit à Scott de faire attention, car ses adversaires lui donneront bien du fil à retordre. Après de nombreuses tentatives (en plus d’amener sa voiture de course remorquée à l’arrière de son camion), Scott reçut sa licence pour concourrir dans des épreuves de NASCAR en 1953.

Le président de NASCAR, Bill France, lui promit que son championnat le traitera de manière équitable en piste. Hors-piste, ce fut différent, car il fut la cible de menaces de mort de la part de partisans… ainsi que du Ku Klux Klan. Dans les divisions régionales de NASCAR, Scott remporta une dizaine d’épreuves en l’espace de neuf ans dans l’État de la Virginie, ainsi que deux championnats régionaux en 1959.

Entrée en Grand National Series et Jacksonville 1963

En 1961, Wendell Scott obtint une place en Grand National Series, la première division de NASCAR (et ancien nom de la Cup Series, entre 1950 à 1970).  Malheureusement, il n’avait pas assez de budget pour obtenir une voiture de première classe. Cependant, cela ne le dérangea aucunement. À  sa première épreuve, au Piedmont Interstate Fairgrounds, un oval sur terre battue de 1/2 mile en Caroline du Sud, Scott termina 17e sur 18 participants.

Sa saison 1961 fut incroyable, car il inscrivit le plus grand nombre de points pour une recrue (4726 points). Ce fut suffisant pour obtenir le titre de Recrue de l’année.

Faux.

Cette récompense fut remise à Woodie Wilson, un pilote de race blanche qui avait participé à seulement cinq courses et obtenu une neuvième place (contre 23 épreuves et cinq top 10 pour Scott). Alors que la majorité des courses eurent lieu dans le sud des États-Unis et que Scott était le seul Noir dans la série, il n’y avait aucun doute que pas beaucoup de gens souhaitaient du succès à Wendell.

En 1962, Scott parvint à obtenir deux troisièmes places et 19 top 10, totalisant 9906 points et se classant au 22e rang du championnat.

Cependant, 1963 devint une année historique pour Wendell et pour le NASCAR (au grand désarroi des fans).

Wendell Scott au Jacksonville 200

Le 1er décembre 1963, au Speedway Park de Jacksonville, eut lieu le Jacksonville 200 de 1964. Jack Smith, multiple vainqueur en Grand National Series, partit en pole position. Quant à Scott, il s’élança de la 15e place.

Richard Petty, le King, mena la moitié de l’épreuve, mais sa colonne de direction se brisa, causé par la surface granuleuse de la piste. Avec 25 tours restants, Wendell Scott mena l’épreuve et ne fut jamais inquiété.

Cependant, au bout des 200 tours du Jacksonville 200 (aussi appelé le Turkey Day 200), personne ne brandit le drapeau à damier. En temps normal, Scott aurait remporté la course.

Deux tours plus tard, le drapeau à damier fut agité, mais c’est Buck Baker, double champion du Grand National Series (1956 et 1957), qui fut déclaré vainqueur. Confusion à Jacksonville.

Alors que Baker célébra sa victoire « officielle », Scott demanda un recomptage. Dans le temps, les résultats et les chronos étaient enregistrés à la main. C’était possible qu’il y ait eu une erreur dans le système de comptage.

Par contre, n’oublions pas qu’il y avait un seul pilote noir et qu’on était au sud des États-Unis, où le drapeau des Confédérés était beaucoup plus présents. Cette histoire pouvait aussi sentir le racisme à plein nez.

Au bout de deux heures de délibération, Wendell Scott fut déclaré officiellement vainqueur du Jacksonville 200, avec deux tours d’avance sur Buck Baker. Malheureusement, Scott ne put recevoir le trophée.

Selon plusieurs personnes, dont le petit-fils de Wendell, Warrick, il y avait une crainte que Scott, pilote noir, embrasse la reine de beauté, qui est blanche, en guise de récompense.

Pour s’excuser, les officiels de la course donnèrent à Scott un trophée non identifié et reçut sa cagnotte en argent (1000$), alors qu’il ne restait personne sur le circuit

L’après-Jacksonville 200

Malgré cette victoire houleuse, Scott continua d’obtenir de très bons résultats, mais pas d’autres victoires. Le succès de Wendell en Grand National Series permit au pilote d’obtenir bien du respect auprès de ses adversaires et de quelques partisans.

À l’opposé, il reçut bien de menaces de mort, ses pneus furent même endommagés volontairement et quelqu’un eut la « brillante » idée de lancer un pétard à Wendell Scott Jr., le fils, qui fut blessé. Même le circuit de Darlington, en Caroline du Sud, voulut lui refuser l’accès à l’oval. En 1964, ce même tracé fut le théâtre de l’agitation du drapeau des Confédérés pour démarrer l’épreuve, au lieu du traditionnel drapeau vert.

Heureusement, Scott pouvait compter sur ses enfants pour compétitionner en NASCAR. En piste, le natif de Danville termina sixième au classement final des pilotes, au 6e rang et comptant 21702 points (en 1966).

Malheureusement, la carrière de Wendell se termina abruptement, lors du Winston 500 1973, à Talladega. Il fut impliqué dans un « Big One », un accident monstre éliminant une vingtaine de véhicules. Il souffrit de fractures à la jambe, au pelvis, aux côtes et au bras gauche.

Même s’il se remit tranquillement de ses blessures pour revenir au Charlotte Motor Speedway, quelques mois plus tard (il finit 12e), ce carambolage à Talladega marqua la fin du parcours de Wendell Scott.

L’héritage de Scott

Wendell Scott Jr. et Bubba Wallace, après que ce dernier ait remporté une course de NASCAR Camping Series, en 2013

Le 23 décembre 1990, Wendell Scott décéda des suites d’un cancer.

Pour célébrer sa carrière et sa vie, il fut intronisé au Temple de la Renommée du NASCAR, en 2015. 16 ans plus tôt, c’est au Temple de la renommée de la Course automobile internationale qu’il rentra.

En 2013, Danville, sa ville natale, commémora sa vie en installant une plaque commémorative.

Dans le milieu artistique, Scott fut l’inspiration du film Greased Lightning, en 1975 avec l’acteur Richard Pryor qui incarna le rôle du pilote. En 2017, le personnage River Scott, dont la voix fut doublée par Isiah Whitlock Jr., est aussi inspiré de Wendell.

Afin d’être plus inclusif, NASCAR a créé le programme Drive for Diversity, en 2004, avec l’aide de Wendell Scott Jr., le fils de Scott Sr.. Des pilotes comme Bubba Wallace, Aric Almirola, Kyle Larson et Sarah Fisher participèrent à ce programme.

Depuis la retraite de Scott, sept pilotes ont pris part à des courses de NASCAR Cup Series, incluant Willy T. Ribbs et Bubba Wallace. Ce dernier, comme mentionné dans les premiers paragraphes de ce texte, a remporté une épreuve de la Cup, le 4 octobre dernier.

Malheureusement, au moment d’écrire ce texte, on a appris le décès de Wendell Scott Jr., le 11 février dernier. Junior était un des membres de l’écurie de son père, qui lui apprit à rester tenace face à l’adversité. Nos plus sincères condoléances à la famille et aux proches.

Concernant sa victoire à Jacksonvile, NASCAR décida d’offrir à la famille de Scott un trophée commémorant son triomphe initalement retiré, avant le Coke Zero Sugar 400 2021, à Daytona. Une façon de remettre les choses dans le bon ordre, car Wendell était le vainqueur du Jacksonville 200 depuis la tombée du drapeau à damier, erreur de comptage ou non.

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