À la suite du décès tragique de George Floyd, à Minneapolis, à la fin mai, plusieurs personnes se sont prononcées contre le traitement des Noirs. Même Lewis Hamilton a eu son mot à dire. Abdou Sall vous explique non seulement pourquoi il a tous les droits de se prononcer et traite de la diversité dans la course automobile. Voici le premier de deux textes.
PODCAST: retour sur le dévoilement du calendrier et sur bien d’autres sujets
Première Partie: Le combat de Lewis Hamilton
Depuis le 25 mai dernier, jour de la mort de George Floyd au Minnesota, la population américaine a ragé. Elle était furieuse, car c’était un autre cas de brutalité policière et de mauvais traitement envers les Noirs.
Or, à la suite de triste événement, plusieurs célébrités ont eu leur mot à dire. Plusieurs… dont notre Lewis Hamilton. Sur Instagram, le champion du monde en titre s’est exprimé à sa manière sur la situation actuelle. Le pilote de 35 ans s’est indigné de voir tant de monde dans l’industrie de la Formule 1 ne pas s’insurger de ce qui se passe aux États-Unis. Que s’est-il passé, par la suite? Des pilotes ont commencé à prendre leur téléphone et ont écrit des messages de soutien au mouvement #BlackLivesMatter. Même Bernie Ecclestone a soutenu Hamilton dans sa prise de position! Jamais je n’aurais imaginé que Tonton Bernie soit d’accord avec les prises de position du Britannique! Après tout, on parle de la même personne qui souhaitait l’instauration de dictatures dans certains pays…
Bref…
Si le message a été bien reçu, il reste encore beaucoup de personnes sur les Internets demandent à Hamilton de « se concentrer sur la course automobile ». En gros, stick to racing.
Ce stick to racing ou sports m’énerve. Aux yeux de certains, les sportifs ne doivent pas donner leur opinion sur la société. Leur rôle est de conduire, de pousser une rondelle, de kicker un ballon, etc. Pas de se prononcer sur une situation qui n’est aucunement reliée à leur fonction première. Ces personnes ont tort. Dans le cas de la Formule 1, on a besoin de parler sérieusement de diversité en course automobile.
En ce moment, Hamilton est le seul pilote noir en 70 ans dans l’histoire du Championnat du monde de Formule 1. Le chemin pour se rendre au sommet n’a pas été facile pour lui. Heureusement, il a réussi, mais il a dû passer à travers quelques actes racistes.
Tout d’abord, dans ses années en karting, il en fut victime à l’âge de 12 ans, lui qui était le seul pilote noir dans sa catégorie.
Onze ans plus tard, il est nargué par des fans espagnols à deux reprises. La première fois fut lors des essais privés à Barcelone. Un groupe de spectateurs se présentèrent avec des perruques, leurs visages peints en noir et en arborant des chandails aux mots « Hamilton’s family (la famille d’Hamilton) ».
Quelques mois plus tard, durant le Grand Prix d’Espagne, un autre fan fut aperçu, arborant un blackface. La FIA a enquêté sur ces incidents et, par la suite, a créé un organisme combattant le racisme dans la course automobile, EveryRace. J’en reparlerai dans un autre texte.
Never forget the obstacles that Lewis Hamilton had to go through to get into F1. pic.twitter.com/7FBMWrPbdT
— f1racers (@f1racers_) June 1, 2020
Et vous voulez que Lewis Hamilton continue à se concentrer ce qu’il fait? Chaque personnalité publique détient une plateforme. À elle de l’utiliser à bon escient. C’est ce qu’Hamilton désire faire, à la suite des récents événements. De toute façon, il est inévitable qu’on parle de racisme et de diversité dans l’univers de la course automobile. Si les personnes indignées par les propos et la prise de position du sextuple champion du monde lui répondent de se concentrer sur ce qu’il fait, c’est qu’elles ne sont clairement pas d’accord avec lui. Aussi simple que ça.
Ce n’est pas la première fois que Lewis Hamilton se prononce sur des sujets épineux. Encore aujourd’hui, il a donné son avis sur l’environnement (que nous nous devons de faire mieux pour préserver la Terre), sur la cruauté animale et sur le véganisme (Hamilton est lui-même vegan). Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec ses opinions (personnellement, j’abonde dans le même sens que Lewis), mais on n’est pas obligés de le réduire en silence.

La même chose peut être dite pour le pilote NASCAR, Bubba Wallace, lui aussi de race noire. Le membre de l’écurie Richard Petty Motorsports va arborer une livrée spéciale pour soutenir le #BlackLivesMatter, durant la course de Martinsville, mercredi soir. Évidemment, cela a créé un tollé chez les fans de NASCAR. Si vous avez été capables de voir le président des États-Unis, Donlad Trump, donner le départ du Daytona 500, en février dernier, vous êtes bien capables de voir une voiture noire avec le hashtag #BlackLivesMatter.
.@BubbaWallace will run this paint scheme promoting racial equality tomorrow night at Martinsville. pic.twitter.com/G8K4q8q6F3
— Adam Stern (@A_S12) June 9, 2020
Enfin, je pense.
Au lieu de minimiser les paroles du pilote de course, il faudrait écouter ce qu’il a à dire. Cela peut changer la vie d’au moins une personne. Ensuite deux. Ensuite trois… et ainsi de suite. Évoquer toute forme de racisme n’est aucunement politique. Il s’agit d’une question de bien agir, en tant que société. Or, Lewis Hamilton et Bubba Wallace, les deux représentants de race noire dans deux des plus grosses séries de course automobile, ont leur mot à dire. Ils ont vécu des actes racistes, alors laissons-les la chance de s’exprimer.
Je peux comprendre que le sport représente l’exutoire parfait de toutes les mauvaises nouvelles que l’on peut voir dans le monde, mais quand des problèmes de société généraux frappent la planète, personne n’est épargnée. C’est à nous de faire en sorte de laisser à la génération future un meilleur monde. Et cela implique aussi la participation des gens profitant d’une grande plateforme pour s’exprimer et s’expliquer.

Il y a beaucoup d’exemples notoires, depuis plusieurs jours, dans le sport en général. À Montréal, lors d’une manifestation contre le racisme, le 7 juin dernier, plusieurs joueurs et dirigeants des Alouettes de Montréal étaient présents à la marche. Dans la Bundesliga, la première division de soccer allemande, beaucoup de joueurs sont montré leur soutien au #BlackLivesMatter et des équipes ont posé un genou au sol, un symbole initié par Colin Kaepernick. Pourtant, le soccer est un sport où le racisme est un cancer.
Raheem Sterling, l’attaquant anglais de Manchester City, est une figure de proue dans ce combat, au même titre que Lewis Hamilton en F1. Dans les deux cas, on leur dit de se la fermer. Au cours de sa carrière, le footballeur de 25 ans est passé à travers plusieurs incidents racistes dont il a été la cible. Un des cas les plus populaires est survenu en 2017, alors qu’il fut agressé par un hooligan, à l’extérieur du centre d’entraînement de Manchester City. Le coupable a été emprisonné pour 16 semaines.

Or, cela montre que de fermer les yeux sur un problème aussi grave que le racisme n’est pas la meilleure solution. Les personnes les mieux placer pour parler sont ceux qui ont vécu et qui vivent encore ces affronts. Le sport, tout comme la musique et n’importe quelle forme d’art, a un devoir énorme d’éduquer la tolérance envers les autres. On peut ne pas aimer un pilote, en raison de nos allégeances sportives, mais il ne faut jamais l’attaquer pour ce qu’il est.
Bref, le stick to sports n’est jamais une bonne réponse à ces genres de problèmes. Surtout en Formule 1.
We stand with all those fighting against racism in any form pic.twitter.com/hAfVG5ci1J
— Formula 1 (@F1) June 2, 2020