Jeudi dernier, la Formule 1, la FIA et ses dix écuries se sont réunis pour parler de sujets importants, dont la fameuse course sprint. Trois Grands Prix, dont celui au Canada, deviendraient un banc d’essai pour ce nouveau format de course.
RAPPEL: LE BULLETIN F1 DEVIENT LE BULLETIN GP
La semaine dernière, lors de la réunion de la Commission F1, les instances du sport ont accepté un gel de moteur dès 2022 et quelques détails de la nouvelle règlementation des moteurs pour 2025. Entre temps, les dirigeants de la F1, de la FIA et des dix équipes ont parlé de cette fameuse proposition de course sprint. Il y a eu un grand soutien auprès des membres des écuries pour ce projet, peut-on lire dans un communiqué sur le site officiel de la Formule 1.
Depuis l’annonce de cette proposition, les opinions fusent de partout parmi les fans. Pourquoi la Formule 1 souhaite proposer une telle idée et quels sont les avantages et inconvénients de ce projet ? Voici les possibles explications.
Comment ça fonctionnerait ?
La proposition d’une course sprint serait testée lors de trois Grands Prix : ceux du Canada, d’Italie et du Brésil. L’événement aurait lieu le samedi, en remplacement de la séance de qualifications traditionnelle. Le résultat formerait la grille de départ pour la grande course du lendemain.
Aussi, la grille pour le sprint sera formée grâce à des qualifications tenues le vendredi après-midi, en remplacement de la deuxième séance d’essais libres. La distance d’une course sprint serait de 100 km, soit le tiers du Grand Prix de dimanche (305 km). En nombre de tours, cela équivaudrait à environ 23 tours au Circuit Gilles-Villeneuve et à Interlagos et 17 à Monza.
De plus, des points seraient attribués au top 8, avec un système de pointage différent de celui que nous voyons habituellement. Probablement le même système qu’on voit pour les sprints en Formule 2 (15-12-10 — 8-6-4-2-1).
Pas la première fois…
L’idée d’organiser une course sprint n’est pas quelque chose de nouveau. L’an dernier, la proposition d’une grille inversée durant ce format de course avait été évoquée, avant d’être votée contre par les équipes de pointe. La grille en question aurait été déterminée par l’ordre inverse du championnat des pilotes en cours. Cela voulait dire que Lewis Hamilton partirait bon dernier et que Nicholas Latifi s’élancerait tout le temps premier.
Récemment, Stefano Domenicali, le nouveau patron de la Formula One Management (FOM) a confirmé qu’il n’était plus question de grille inversée.
Attention : il y a déjà eu un Grand Prix de Formule 1 avec un format différent. Lors du Grand Prix d’Allemagne de 1959, disputé sur le très long circuit de l’AVUS (8,300 km), la course fut tranchée en deux manches de 30 tours. Le Britannique Tony Brooks remporta les deux manches, avec Dan Gurney qui termina deuxième au classement cumulatif, devant Phil Hill (qui avait fini deuxième lors de la deuxième étape).
Le Grand Prix fut divisé en deux, en raison de la chaleur accablante frappant Berlin, des soucis concernant les pneus et l’énorme virage incliné de 43 degrés, où Jean Behra se tua le samedi des qualifications.

Plus de téléspectateurs… et d’argent !
Une des raisons pour laquelle la FOM pousse pour une course sprint est assez facile : l’argent ! N’oublions pas que, en plus d’être un sport et un divertissement, la Formule 1 est une business. Or, avec un semblant de retour à un calendrier traditionnel de plus de 20 courses, il y a encore moyen d’amasser beaucoup plus de sous et de nouveaux amateurs.
Ce n’est pas pour rien que deux des trois courses proposées sont en Amérique. En Europe, les courses sont télédiffusées en soirée, à des heures de grande écoute. En plus, la journée du vendredi ne sert qu’aux essais libres, donc il y a très peu de drame en piste. Or, en déplaçant les qualifications pour la course sprint le vendredi, cela donnera un peu plus d’importance à cette journée.
Je digresse pour évoquer justement le vendredi, mais du côté des promoteurs. Ce serait une bonne nouvelle pour eux, car ils pourront vendre plus de billets ou augmenter les prix d’entrée. Généralement, le prix pour le vendredi est le moins chef des trois jours d’un weekend de Grand Prix. Par exemple, à mes souvenirs, un billet en admission générale au Grand Prix du Canada est 45 $ en 2019 pour ce jour. Au fil des jours, cela augmente en fonction de l’importance de la journée.
Ça donnera une bonne raison aux partisans de venir au circuit pour assister aux qualifications pour la course sprint.
Revenons maintenant à la diffusion. Quand j’évoquais les qualifications du vendredi, cela posera problème pour les Européens. Des qualifs à 15:00, alors que la majorité des gens sont encore au travail ? Bonne chance avec ça…
Ça explique aussi pourquoi la F1 teste aussi l’idée d’une course sprint en Italie.
Autre point en matière d’argent : l’intention pour la Formule 1, afin d’obtenir des revenus supplémentaires, est d’ajouter d’autres courses au calendrier. Or, avec l’ajout de courses sprint, ce serait un défi gagnant pour la FOM.
En effet, si les instances du sport donnaient le feu vert aux épreuves à Montréal, Monza et Interlagos, il y aurait 26 courses au total en 2021. Cela voudrait dire, pour la F1, d’augmenter les frais d’inscription ou bien de modifier les contrats existants de chaque Grand Prix pour inclure les courses sprint. Même son de cloche pour les diffuseurs.
Le désavantage d’une telle proposition, sur le plan financier, est que les commanditaires principaux paient la F1 par année et non par course. Aussi, ça coûtera beaucoup plus cher pour les écuries, qui doivent composer avec la réduction des coûts.
Et sur le plan sportif ?
Personnellement, je ne suis pas contre l’idée d’essayer des courses sprint, en guise d’expérience en cours de saison. Au moins, on pourra voir si le projet fonctionne ou pas et, ainsi, aller de l’avant si le résultat est positif.
Dans le passé, on a vu bien des règlements sportifs être implantés, avant être supprimés soit pendant la même saison ou après. Je pense, entre autres, aux qualifications à élimination aux 90 secondes en 2016, qui ont duré pendant deux courses. Ou bien aux points doublés du Grand Prix d’Abu Dhabi de 2014, mis aux oubliettes tout de suite après.
Dans le cas actuel, on parle d’un banc d’essai de trois courses en 2021, avant de tirer des conclusions sur cette expérience hors du commun. Outre le Grand Prix d’Allemagne de 1959, la Formule 1 n’a jamais modifié son format de weekend de course. 2021 serait la première fois que la structure de la fin de semaine pourrait être revampée.
Je partage le point de vue amené par RaceFans, cette semaine : les Grands Prix de F1 sont rendus comme des courses d’endurance. On voit les voitures maintenant être en mesure de rouler avec le même moteur ou les mêmes pièces pour plusieurs fins de semaine de course. Certes, le tout est dû aux réductions des coûts, mais cela impacte plus souvent la course. Les pilotes ne peuvent plus se donner à fond avec leur monoplace, de peur de causer des ennuis mécaniques.
Un avantage qu’on peut trouver avec les courses sprint est que, dans le cas des essais libres (ou de la seule séance), il y aura un plus grand avantage à tester les bolides et les nouvelles pièces avant les qualifications du vendredi. Avec trois séances d’essais (celle du samedi est relativement inutile), les écuries ont récolté assez de données pour obtenir les meilleurs résultats possibles pour les qualifs et la course. Dans tout ça, il y aura beaucoup de prévisibilité.
Or, en se limitant à une séance d’essais d’une heure, les équipes engrangeraient beaucoup moins de données, amenant donc un peu d’imprévisibilité (prendre exemple sur États-Unis 2018).
La journée du dimanche dévaluée ?
Cependant, l’ajout de courses sprint signifierait que le « Grand Prix » qu’on connaît perdrait de sa valeur. J’ai peur que le sprint dilue l’aspect de la course de dimanche, qui est LE moment important du weekend. En implantant un système de points où la victoire rapportait 10 ou 12 points, le vainqueur du sprint pourrait inscrire presque la moitié des points inscrits pendant un weekend (ajoutant les 25 du Grand Prix traditionnel). Imaginez maintenant que le même pilote gagner deux courses sprint consécutives, sans toutefois remporter celle du dimanche. Toute la dynamique du Grand Prix du dimanche pourrait changer, ainsi que le championnat en soi.
Je trouverais ça dommage que le championnat des pilotes soit décidé un samedi, avant même le début de l’événement principal. En plus, que dira-t-on d’un pilote qui gagne une course sprint ? Est-ce que, statistiquement, il sera considéré comme un vainqueur officiel (parce que ça reste une course quand même, peu importe le format) ?
Je pose la question, car n’oublions pas que les vainqueurs des 500 Miles d’Indianapolis, entre 1950 et 1960, marquaient des points pour le Championnat du monde de la Formule 1. Par exemple, Bill Vukovich triompha à Indy en 1954. Avec sa victoire, il finit au sixième rang du classement final de cette saison avec huit points, à égalité avec Hans Hermann (Mercedes-Benz), qui participa à cinq courses.
Aux yeux des amateurs, un pilote gagnant d’une course sprint sera considéré comme un vainqueur « cheap » et c’est la dernière chose qu’on souhaite vivre.
Attention aux pièces
L’ajout d’une course sprint pourrait causer un gros problème : l’inventaire des pièces. N’oubliez pas que la Formule 1 va introduite un cap salarial, faisant en sorte que les écuries devront réduire les items apportés en voyage, entre deux Grands Prix.
Une course supplémentaire pendant un weekend serait un stress supplémentaire pour les dirigeants des équipes, ainsi que pour ses mécanos. C’est connu : une F1 peut sortir de piste à n’importe quel moment, que ce soit lors des essais, des qualifications et/ou pendant la course. Avec le sprint, les chances d’évasion hors-piste augmentent.
Personne n’est à l’abri d’un accident, d’un accrochage ou bien qu’une pièce d’une monoplace se retrouve logé dans une autre (*tousse* Bottas à Imola). Quand une pièce est endommagée, cela entraîne un coût de réparation automatique. Additionnez une course sprint dans la soupe et on gonfle les prix ! Or, c’est la dernière chose qu’un directeur d’écurie souhaite avoir. Cependant, s’il y a un accord majoritaire (je ne dirais pas unanime) des boss des écuries, c’est qu’ils sont conscients de ce désavantage.
Mon verdict
Qu’est-ce que j’en pense de ce projet ?
Je ne suis pas contre l’idée, car il faut au moins améliorer le spectacle en Formule 1, sans le rendre nécessairement artificiel. En plus, qui ne risque rien n’a rien, non ? Je sais que c’est facile de critiquer une idée sans l’avoir vu de nos propres yeux, mais, si jamais le vote unanime devait passer (il faut 28 votes sur 30 pour que le projet soit accepté), nous devrions laisser la chance au coureur (au sens figuré).
Après tout, on ne connaît pas encore les détails entiers de la course sprint, autre que le tiers d’un Grand Prix comme distance de la course. Je veux voir à quoi ça va ressembler et, ensuite, donner mon avis officiel.
Encore faut-il que deux des trois courses proposées soient en mesure d’être disputées officiellement (je vous laisse deviner lesquelles)…
La grosse crainte que j’ai est que ça va rendre la journée du dimanche moins passionnante. Se lever le matin ou bien rester éveillé pour voir ce qui va se passer au bout de 90 minutes est beaucoup plus excitant que le reste du weekend de F1.
Bref, testons le prototype et attendons le résultat final.