Vendredi dernier, le Grand Prix d’Australie 2020 a été officiellement annulé. Cependant, ce fut fait deux heures avant les débuts des essais libres. Abdou Sall revient sur ce qui s’est passé et pourquoi il n’est pas content envers la Formule 1.
PODCAST: LE JEU DE PRÉDICTIONS DU BULLETIN F1 POUR 2020
Dans la soirée de mercredi à jeudi, je regardais mon téléphone pour surveiller les dernières nouvelles concernant le coronavirus. Plus tôt dans la journée, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) confirma que ce virus s’était répandu partout dans le monde, devenant ainsi une pandémie. Dans le monde sportif, j’ai vu l’annonce comme quoi le joueur du Jazz de l’Utah, Rudy Gobert, a été testé positif du COVID-19. De ce pas, la NBA a été obligé de suspendre sa saison de manière indéterminée. Ensuite, les autres ligues majeures nord-américaines ont suivi le pas. Les autres événements sportifs à travers le monde ont appuyé sur pause.
La Formule 1? Ce fut nébuleux…
Jeudi matin (heure du Québec), on a appris qu’un membre du personnel de McLaren avait été testé positif au COVID-19. Suite à cela, l’écurie s’est retirée du Grand Prix d’Australie. En plus, trois employés de Haas ont été testé négatif à ce virus, heureusement. On s’attendait à ce que la course soit annulée de ce pas…
Malheureusement, non.
Vendredi matin, à Melbourne, des centaines de spectateurs se sont présentés aux portes d’entrée du circuit de l’Albert Park, pensant que le premier Grand Prix en 2020 aurait lieu. Vers 10 heures, (heure australienne) l’organisation de l’épreuve et la Formule 1 décidèrent d’annuler l’événement au complet.
À deux heures de la première séance d’essais libres…
Les dessous d’un désastre
Tout au long de la journée de jeudi, j’ai suivi les nouvelles sur Twitter. En premier lieu, il y a eu un tweet publié par Sky Sports F1, le diffuseur officiel de la Formule 1 en Grande-Bretagne, mentionnant que la course aurait quand même lieu. En deuxième lieu, le journaliste Andrew Benson publiait que la course serait annulée.
Qui croire?
Ensuite, plusieurs journalistes ont suivi Benson, confirmant (selon leurs sources) le non-lieu du GP australien. De mon côté, j’attendais le communiqué officiel de la Formula One Management (FOM) et de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA).
Pendant des heures, aucun communiqué officiel n’était émis par les autorités. Des journalistes (aux aguets en pleine nuit australienne), des millions de fans et moi rafraîchissaient notre fil de nouvelles. Toujours rien.
Sur mon compte Twitter, j’ai fait part de mon mécontentement quant à la célérité de la F1 pour, d’abord, tenir l’événement à huis clos, avant de l’annuler pour de bon. Alors que de nombreuses ligues sportives n’ont pas niaisé avec la rondelle en cessant tout, la Formule 1 s’est mise la tête dans le sable. Incroyable…
Je vous suggère de lire l’article du journaliste Chris Medland, qui raconte les 34 heures infernales qu’il a vécues à l’Albert Park. Ce fut le chaos et la confusion totale.
Il est où le leadership, il est où?
Parce que ce n’était pas le bonheur à Melbourne.
Pourquoi ne pas avoir annulé ou reporté le Grand Prix d’Australie, une semaine plus tôt? Il a fallu à Ross Brawn, le directeur sportif de la FOM, passe une nuit blanche en réunion pour annuler la course.
Quelque chose qui aurait dû être faite bien avant, honnêtement…
Lorsque l’Italie était déjà aux prises avec le coronavirus, la FOM pouvait imiter la Formule E et la MotoGP: prendre de l’avance.
En FE, la saison a été suspendue pour deux mois minimum et la MotoGP a annulé la course principale du Qatar et a reporté trois courses à des dates ultérieures.
On évoquera le Grand Prix de Bahreïn, à l’origine tenu à huis clos, mais ce fut une décision prise par le Bahrain International Circuit et par les promoteurs. Pas par la FOM. C’est après l’annulation de l’épreuve australienne que cette dernière a décidé de repousser les courses bahreïnie et au Vietnam.
Le 3 mars dernier, Ross Brawn avait déclaré ceci: « Il n’y aura pas de Grand Prix si une des écuries devait déclarer forfait à causes des restrictions de circulation dues au coronavirus. » Or, l’Australie a laissé passer tout le monde et a changé les restrictions d’entrées et de sorties… 24 heures après l’arrivée du personnel de Ferrari, d’AlphaTauri, de Pirelli et de Dallara (le fabricant du châssis de Haas). La différence? Aucune, car ils viennent tous d’Italie, pays durement frappé par le COVID-19. Il s’est avéré qu’un membre de Pirelli a été testé positif à ce virus.
Pourtant, cela n’a pas empêché la vente de billets. On avait donc une course entre les mains. Ce même Ross disait qu’il fallait quand même lancer la saison, malgré la pandémie.
Bonjour, la contradiction!
Idem pour l’État de Victoria
On reviendra au cas de la Formule 1 dans quelques lignes, mais elle n’est pas la seule à être blâmée.
L’État de Victoria, où se situe la ville de Melbourne, n’est guère mieux. Je sais que la région attend non seulement le Grand Prix d’Australie, mais aussi les Internationaux de Melbourne, au tennis, l’autre grand événement annuel d’envergure.
Cependant, l’État n’est pas tombée dans les bonnes grâces, en 2020. Vous rappelez-vous des feux de forêt, en janvier dernier, qui a énormément affecté l’Australie? Lorsque le tournoi de tennis a eu lieu, plusieurs participants avaient des problèmes pour respirer, en raison des fumées provoquées par les feux. Or, Novak Djokovic avait demandé le report du tournoi. Malheureusement, la demande est tombée entre deux chaises.
Maintenant, il y a la pandémie de coronavirus qui frappe le monde entier. Pourtant, l’Australie compte (au moment d’écrire ces lignes) 377 cas, dont 27 guéris et 5 morts. La dernière fois que j’avais vérifié, jeudi après-midi, il y en avait 156. Cela a augmenté, durant la fin de semaine du Grand Prix.
Et ils voulaient quand même garder une course de Formule 1, malgré cela?
On comprend qu’il y a un enjeu financier, puisque l’État paye une majeure partie des droits d’organisation de la course. Cependant, n’aurait-il pas été mieux de s’entendre à l’amiable bien avant cela?
Même choses pour les écuries
Ce qui est surprenant dans ce capharnaüm, c’est que des écuries avaient décidé de quand même prendre part au Grand Prix australien!
De mon côté, avec toutes les controverses des dernières années, presque plus rien ne me surprend.
Bref… Une réunion entre la FOM, la FIA, l’AGPC (les promoteurs du GP d’Australie) et les équipes a eu lieu aux petites heures du matin. Au cours de ce meeting improvisé, les écuries n’ont aucunement trouvé un terrain d’entente. La moitié voulait l’annulation totale; l’autre, non. Quelle surprise (*sarcasme*)! Pendant ce même temps, la FOM, la FIA et l’AGPC se pointaient du doigt pour savoir qui allait recevoir la facture de ce fiasco.
Heureusement, des équipes se sont montrées solidaires envers McLaren. Renault ne s’est pas présentée et Mercedes et Ferrari n’allaient pas montrer le bout de leur nez, si aucune action n’était prise. Mercedes a même envoyé une lettre à la FIA pour demander l’annulation de l’événement.
Au final, la décision finale revenait au chef médical (de la FIA ou d’un organisme de tierce partie?), qui a dit de tout « canceller ». Ensuite, nous avons vu cette conférence de presse improvisée, expliquant pourquoi un tel choix a été pris.
Au moins, les pilotes ont compris que la Formule 1 était secondaire à la menace planant sur le globe. Jeudi (en Australie), Lewis Hamilton s’est demandé pourquoi le Grand Cirque était à Melbourne, tout en ajoutant que l’argent est roi (« Cash is king »). Chase Carey, le grand patron de Liberty Media/FOM, n’a pas aimé les propos de son ambassadeur du sport. Carey arrivait de Hanoi, lieu du Grand Prix de Vietnam. Ironiquement, il voulait être sûr que la course ait bel et bien lieu… 1-0 Hamilton.
Sinon, Sebastian Vettel et Kimi Raïkkönen et Max Verstappen n’ont aucunement hésité à quitter l’Australie, sans l’avis de personne.
Oui, la saison 2020 de Formule 1 ne devrait pas débuter avant la fin mai, mais ce n’est pas cela le plus important. Actuellement, il est temps de laisser tous les professionnels de la santé enrayer le coronavirus au maximum. Avec plus de 4000 personnes (excluant les spectateurs) qui se promènent dans le paddock, ce serait trop risqué pour la F1 de continuer ses activités.
Ce que la FOM et la FIA nous a montré est qu’il manque encore du leadership dans le bateau. L’énorme manque de communication a fait en sorte que des centaines de fans se sont présentés devant l’Albert Park, sans savoir quel serait la décision finale des autorités de ce sport qu’on aime tant.
Annuler un événement officiellement à environ deux heures du début des activités est complètement irresponsable. Pourtant, la Formule 1 est un des sports majeurs à travers la planète et a agi, très malheureusement, en amateurs.
Heureusement, les instances auront le temps de calibrer le calendrier 2020, avec les courses reportées. Est-ce que cela incluera l’Australie? Je ne pense pas, malheureusement, car il s’agit d’un circuit permanent et ça me surprendrait que la population melbournienne serait prête à accepter d’autres dérangements de rue, en raison du Grand Prix d’Australie.
Normalement, j’aime bien défendre la F1, mais pas cette fois.