Lewis Hamilton a remporté le Grand Prix de Bahreïn, ce dimanche, mais le sujet de discussion a été cet accident violent de Romain Grosjean. Dieu merci, le Français s’en est tiré avec des brûlures mineures. S’il a pu s’en sortir, c’est grâce à la sécurité qui règne en Formule 1.
Lorsqu’on a vu l’incendie monstre de cet accident, on a eu peur. Est-ce que Romain va bien? Des minutes de longue attente. Cependant, on a vu les premières images de Romain Grosjean sortir de l’épave qu’est devenue sa Haas.
Incroyable! Comment a-t-il fait? Mon coeur a arrêté de battre et je ne me suis pas bien senti (ajoutez à cela la frousse des résultats de mon test de la COVID-19, qui est négatif). Cependant, quand j’ai entendu Alex Jacques (le commentateur de la Pitlane Channel, le canal alternatif de F1TV) dire que le Français allait bien, ce fut le soulagement. C’est en regardant les reprises de l’accident qu’on a pu constater l’enfer dans lequel Grosjean vient de sortir. Il est resté plus de 20 secondes à s’extirper des feux. Dieu merci, le toujours souriant pilote est encore en un morceau, avec quelques brûlures mineures aux mains et au dos.
Il manquera, évidemment, le Grand Prix de Sakhir, en fin de semaine. Ce sera Pietro Fittipaldi, pilote de réserve chez Haas, qui le remplacera. Le plus important dans toute cette histoire est que Grosjean a maintenant obtenu son congé de l’hôpital.
Si les images de l’accident a été traumatisant pour la planète entière (j’espère ne pas exagérer), le simple fait de voir un pilote debout et hors de danger est un soulagement immense, mais aussi un énoncé du travail haletant mais efficace de la Fédération internationale de l’Automobile (FIA).
Sir Jackie Stewart, millitant pour la sécurité

Si on veut parler de sécurité en Formule 1 et en course automobile, le nom de Sir Jackie Stewart doit être évoqué.
La croisade pour une meilleure sécurité en sport auto a commencé lorsque l’Écossais fut impliqué dans un accident, lors du Grand Prix de Belgique 1966 à Spa (sur le circuit long de 14 kilomètres). La BRM de Stewart heurta un poteau de téléphone et la monoplace se retrouva à l’envers d’une petite butte. Stewart resta coincé dans son bolide pendant 25 minutes, avec de l’essence coulant sur le pilote. Il fut secouru par Graham Hill et Bob Bondurant, grâce à une boîte à outils prêtée par un spectateur (le long circuit de Spa passait autour d’un village). Suite à ce moment terrifiant pour lui, Sir Jackie Stewart débuta une campagne pour de meilleures conditions de course. Des centres médicaux au matériel du pilote, en passant par des zones de dégagement, rien ne fut laissé de côté par le triple champion de F1.
Malgré tout ce combat durant sa carrière, des pilotes continuaient à perdre la vie en piste. Ce qui a atterré l’Écossais, c’est la mort de son coéquipier chez Tyrrell et meilleur ami, François Cevert. Lors des qualifications du Grand Prix des États-Unis, à Watkins Glen, la Tyrrell du Français heurta les rails de sécurité , décapitant Cevert sur le coup. Apprenant cette mort horrible, Stewart se retira de la course automobile, avec 99 Grands Prix au compteur.

Il fut un temps où la mort s’invita très souvent en Formule 1. En plus de Cevert, Stewart eut le malheur de perdre Jim Clark, lors d’un course de Formule 2 à Hockenheim en 1968, et Jochen RIndt, au cours du GP d’Italie 1970 à Monza. Il ne voulait plus passer son temps entre les circuits et les cimetières, en raison du taux de mortalité atroce en course automobile. Stewart n’a jamais cessé son combat au cours des décennies, même si des pilotes tombaient au combat.
Par exemple, l’Autrichien Helmuth Koinigg, fut tué sur le coup, un an après le décès de Cevert. Même circuit, même sort…
Les promoteurs, organisateurs et même quelques pilotes étaient en désaccord avec cette croisade menée par Sir Jackie Stewart, car ils pensaient que cela allait dénaturer le sport. Force est d’admettre qu’ils ont eu tort.
Lorsque le Halo fut introduit obligatoirement en 2018 par la FIA, Stewart n’avait aucune difficulté à comparer les critiques de cette nouvelle pièce de protection aux doléances qu’il avait émises, durant les années 60.
Le Halo: aura des pilotes
Justement, parlons du Halo. Dimanche dernier, on a vu à quel point cette protection fut énormément utile. Lorsque la Haas de Romain Grosjean fut sectionnée en deux, le cockpit fut encastré dans les rails de sécurité, à la sortie du virage 3. Lors de l’impact, le Halo a créé un trou dans la barrière, ce qui a laissé un certain espace à Grosjean pour sortir, à travers les flammes. Sans surprise, la structure placée au-dessus de la tête du pilote est restée pratiquement intacte.
Lors de son introduction officielle en Formule 1, au course de la saison 2018, beaucoup de gens (fans, quelques pilotes dont Grosjean et dirigeants) n’aimaient pas ce nouveau système de protection. J’ai lu énormément de commentaires mentionnant que le Halo rendait les voitures laides, que l’esthétique de la F1 n’existe plus, etc.
En deux ans, on a vu la monoplace de Nirei Fukuzimi atterir sur le Halo de la voiture de Tadasuke Makino en Formule 2 (Espagne 2018), la McLaren de Fernando Alonso rebondir sur le Halo de la Sauber de Charles Leclerc au départ du Grand Prix de Belgique 2018, des débris rebondir sur la partie verticale de la protection de plusieurs pilotes lors de l’accident mortel d’Anthoine Hubert à Spa en 2019 et, maintenant, le grave accident à Sakhir.
Maintenant, nous avons la preuve que le Halo fonctionne. Une recréation de l’accident de Grosjean en 3D, montrant que ce système a eu sa part de responsabilité dans le sauvetage du Français.
Le Halo est conçu en titanium, fait pour résister à n’importe quel choc violent. Il peut supporter le poids d’un bus « double deck » (deux étages) de Londres! Pourtant, il ne pèse que 7 kg!
C’est incroyable à quel point un petit dispositif aussi léger que ça permet de résister à des tonnes! Avec cet accident, il vient de sauver des vies. Débattre sur l’existence d’un système de sécurité à cause de son esthétisme, au lieu de sa mission première, ne devrait plus exister.
La présence des commissaires de piste et des secouristes

Pour assurer la tenue sécuritaire d’un Grand Prix de Formule 1, il faut des commissaires de piste, sapeurs pompiers et une équipe médicale.
Pour l’équipe médicale, elle est menée par le Dr. Ian Roberts, Médecin délégué de la FIA depuis 2013, et Alan van der Merwe, conducteur de la voiture médicale depuis 2009, champion de la Formule 3 britannique depuis 2003 et ancien pilote d’essais pour BAR. Elle agit comme voiture de poursuite, lors de chaque départ d’une course. Le jeudi précédant un Grand Prix, Dr. Roberts et van der Merwe prennent la piste avec la Voiture de sécurité pour des séances de vitesse. Ce n’est pas un concours pour savoir quelle Mercedes est la plus rapide, mais bien d’un exercice pour réagir à des scénarios nécessitant la voiture médicale. Leur meilleur scénario est de ne pas recourir à ladite Mercedes.
En ce qui concerne les commissaires de piste, ils sont présents aux abords des tracés depuis 1950. Ils font ce travail volontairement. Ce sont des passionnés de course automobile qui, parfois, vont voyager pour être bénévoles. Ces commissaires sont formés intensivement par l’association automobile en charge de la tenue du Grand Prix, afin qu’ils soient très bien préparés pour n’importe quelle situation d’urgence.
Lors du Grand Prix de Singapour 2017, Sky Sports F1 avait diffusé un reportage sur la préparation complète de l’équipe médicale et des commissaires de piste.
L’évolution de la sécurité
Cette année, la Formule 1 célèbre ses 70 ans d’existence. Au cours de ces sept décennies, la sécurité, autant que les monoplaces, a énormément évolué.

Dans l’accident de Grosjean, beaucoup d’éléments sécuritaires ont contribué à la survie du Français. Outre le Halo, il y a la cellule de survie, introduite en 1981. Elle réunit le cockpit et le Halo et, indestructible, absorbe le choc. Ensuite, on a le HANS, un système permettant de retenir le cou du pilote qui fut implanté en 2003. Cela évite le pilote de frapper casque premier son volant, peu importe la vitesse. Parlant de casque, il est devenu obligatoire en F1 depuis 1952, mais, évidemment, il a évolué au fil des années. Aujourd’hui, il est très léger, mais fait de matériaux résistants.

La triste fin de semaine du Grand Prix de Saint-Marin 1994 a été un virage important vers l’amélioration de la sécurité en Formule 1. Avec l’amélioration des barrières, des espaces de dégagements, ainsi que des appui-têtes, le sport a évité bien des drames, même si on sait que le risque zéro n’existe pas en sport automobile.
Maintenant, l’objectif de l’accident de Romain Grosjean est de comprendre ce qui s’est passé et de faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Par exemple, pour le Grand Prix de Sakhir, des barrières de pneus ont été installées devant le garde-fou où l’accident a eu lieu. Personnellement, comme je l’ai mentionné dans le plus récent épisode de notre podcast, je souhaite la disparition de ces barrières métalliques, mais il y a une raison pour laquelle elle est encore utilisée sur plusieurs circuits du championnat de F1.
Ceci étant dit, c’est à la FIA et à la F1 elle-même de tirer des conclusions sur les événements du 27 novembre dernier et de trouver les outils nécessaires pour ne plus qu’une telle situation se reproduise. La course automobile est et restera toujours un sport dangereux, mais ce n’est pas une raison de ne pas se soucier de la sécurité des participants.
L’accident de Romain Grosjean est la preuve que c’est possible de rendre un sport plus sécuritaire.